calendrier liturgique du nouvel an ecclesial

Publié le par Père Jean-Pierre




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calendrier liturgique du nouvel an ecclesial

Mgr Stephanos, métropolite de Tallinn et de toute l'Estonie

 

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Lundi 1er septembre 2008

Nouvel an ecclésial ; Protection et sauvegarde de la nature

St Siméon le Stylite

du Nouvel an : 1 Tm 2, 1-7 ; Lc 4, 16-22

St Siméon : Col 3, 12-16 ; Mt 11, 27-30

Tropaire ton 4

Le Seigneur de gloire, par les oeuvres de sa création, manifestement révèle sa puissance éternelle, sa divinité ; ayant formé l'univers et de créatures l'ayant rempli, à la nature il fixe des limites et pour les hommes il établit de bien traiter sa Création pour rendre un culte au Créateur

Kondakion ton 8

Adam jadis au Paradis avait reçu l'ordre de le cultiver et bien garder, mais il désobéit, et la porte fut fermée ; quant à nous qui nous trouvons en grave transgression pour avoir indubitablement goûté à la connaissance du bien et du mal, cet arbre amer, mettons-nous en oeuvre pour la création, fauchons les ronces de la pollution, car en changeant de conduite nous en réchapperons.

Ikos

Au Seigneur la terre et sa plénitude, l'univers et tous ses habitants ; Dieu, ayant prévu pour nous-mêmes le meilleur, à peine au-dessous des Anges nous avait placés dans le monde, pour nous y faire trouver la perfection. Mais, pour avoir failli, par sa séduction du péché, nous n'en cessons pas moins de goûter à son festin. Et la création en attente aspire avec nous à la révélation des fils de Dieu ; aussi rejetons la pollution de la nature et notre propre destruction, car en changeant de conduite nous en réchapperons.

" Habitants de ce monde, gardons la nature, aussi bien que notre âme, de toute souillure. L'année liturgique qui commence invite l'univers : pour sa préservation tenons les yeux ouverts ! "

Tel est en partie le commentaire du Synaxaire au jour du 1er septembre, date que notre Patriarcat Oecuménique a fixé pour la protection et la sauvegarde de la nature. Une telle décision, à un moment où tous sont préoccupés par l'avenir de notre terre, mérite de notre part respect et très grande attention. Et encore, en faisant du 1er septembre la fête de la contemplation de la nature, notre Patriarche et son Saint Synode ont voulu insister aussi sur le fait que dans l'Eglise orthodoxe il n'existe pas de distinction entre les commémorations du calendrier liturgique et les événements qui y sont célébrés, non pas seulement en vue de notre propre salut mais aussi en vue de celui de tout le cosmos. Car ce qui a été donné par Dieu à un moment précis de l'histoire des hommes l'a été pour toujours et l'acte liturgique a pour objet d'en perpétuer l'événement jusqu'à la fin des temps, jusqu'au jour du second avènement, où le Christ viendra pour juger les vivants et les morts.
La contemplation de la nature, selon les Pères grecs, est (nous le savons bien) une donnée fondamentale et indispensable pour la connaissance de Dieu puisque toute chose sur terre est une image de Dieu et que par conséquent le spirituel peut se révéler dans la matière du fait même qu'elle est porteuse de divin.
De même, la grande Tradition patristique définit l'homme comme microcosme en ce sens que dans son corps humain il récapitule la création tout entière ; en ce sens qu'il peut réaliser dans son corps la réponse positive ou négative de tout l'univers à l'appel de l'amour divin en tant que sanctuaire du Saint Esprit, selon l'expression bien connue de l'Apôtre Paul. Pour le livre de la Genèse (1/16-31), l'homme est la jointure entre le divin et le terrestre et par conséquent la création tout entière se tient devant lui comme une révélation de Dieu. Partant, si la réalité du monde à travers cette jointure entre le divin et le terrestre qu'est l'homme arrive à constituer un fait de communion avec Dieu, l'être du monde à son tour participe à l'Être éternel, autrement dit à la réalisation de la vie comme amour selon le prototype trinitaire divin.
Tout dépend donc de la liberté humaine parce que l'homme, ainsi que l'affirme notre théologie, est la gloire de Dieu du fait qu'il manifeste Dieu dans le monde ; du fait qu'il rend Dieu présent dans le monde. L'homme est pour l'univers entier l'espoir de recevoir la vie de Dieu et sa grâce et donc de s'unir à son Créateur. L'homme pourra alors dire le sens de la création et parfaire sa beauté. L'homme c'est donc l'espoir de transformer cette Création, de la transfigurer en lui permettant de vivre et de découvrir ce qu'elle a de plus caché et de plus palpitant en elle, c'est-à-dire Dieu présent et désirant s'unir à l'homme et au monde. Mais l'homme c'est aussi le risque de la déchéance et de l'échec, dès lors qu'il ne verra plus des choses que leur apparence, dès lors qu'il ne verra plus des choses que la figure qui ne fait que passer!
Tout dépend par conséquent de notre liberté, de notre seule liberté. A cause de cela, l'homme est bien le seul être dans toute la création qui incarne la possibilité de personnaliser la vie ; de faire de l'être créé, matériel, corruptible et mortel, un être d'éternité. Et c'est pour cette raison qu'il est à même de transformer toute énergie de la matière en vie de glorification et de louange incessante à Dieu.
Aussi pas de faux-fuyant : l'homme est bien responsable pour toute la création ; il en est la conscience et le célébrant dans la mesure cependant où il lui importe, avant toutes choses, de voir en elle le lieu de Dieu, et de déterminer en elle le sens même de Dieu non pas pour se l'approprier par sa convoitise et son aveuglement, mais pour en faire une offrande permanente, une louange incessante à son Seigneur et Créateur. D'ailleurs, une lecture plus attentive du livre de la Genèse et des Psaumes nous conduit à cette conclusion que sans l'homme les plantes ne peuvent croître car c'est en fait en lui qu'elles s'enracinent et que c'est encore et toujours l'homme qui donne un nom aux animaux. Tant il est vrai que l'homme est comme un miroir dans lequel on voit le monde et le monde comme un miroir dans lequel se voit l'homme. La Bible a donc parfaitement raison de témoigner que le salut n'est pas uniquement individuel mais cosmique.
Souvenons-nous ici de la formule lapidaire du Concile de Chalcédoine : le divin et l'humain sont en Christ unis sans confusion et sans séparation ! Et puisque par son Incarnation le Christ a pris corps pour qu'en Lui habite la plénitude de la réalité divine (Col. 1/9), pour cette raison, notre propre corps humain vient à son tour récapituler toute la création entière ; il résume en son essence toutes les possibilités d'une participation authentique de la matière du monde à la vie éternelle afin que toute chose devienne offrande, devienne eucharistie !
Une brève présentation de la structure de nos célébrations liturgique arrive ici à point pour expliciter quelque peu ce qui vient d'être dit. Si la Divine Liturgie présente en effet des demandes à Dieu pour la création, l'office des Vêpres quant à lui commence par un hymne envers cette dernière. Le psaume 104 (103) qui ouvre les Vêpres, donne une description panoramique de toute la création sous forme de doxologie. De même toute son hymnologie en général est intimement unie à la nature ; les fêtes du Seigneur gardent un lien toujours étroit avec le milieu naturel : "Que se réjouisse la création ; que soit dans l'allégresse la nature" (Annonciation) ; " soyez dans la joie, montagnes " (Nativité) et à Pâques : " Maintenant tout est rempli de lumière, ciel terre et enfers ; que toute la création donc fête la résurrection du Christ par laquelle elle est fondée ".
On peut ainsi affirmer que " contrairement à l'Occident où une conception philosophique chrétienne de la nature fait défaut, écrit le Pr. Evangelos Théodorou, l'Orient chrétien, lui, a développé une cosmologie et une philosophie de la nature". Ainsi, par exemple, toute une théologie de la nature est particulièrement explicitée le jour de la fête de l'Epiphanie : l'Esprit Saint s'infuse dans l'eau du baptême comme il s'infuse pareillement dans l'huile du saint chrême ; le baptême actualise la descente du Christ dans le Jourdain, amorce sa descente victorieuse aux enfers.
De même, les épiclèses de toutes les actions sacramentelles constituent comme une continuation de la Pentecôte ; autrement dit constituent la reprise, dans un dynamisme renouvelé, de la Pentecôte cosmique des origines.
Pour saint Irénée de Lyon, "c'est toute la nature visible que nous offrons dans les saints dons afin qu'elle soit eucharistiée, puisque dans l'eucharistie l'un des deux facteurs est terrestre ". Dans l'anaphore, rappelle saint Cyrille d'Alexandrie, " on fait mémoire du ciel et de la terre, de la mer, du soleil, de toute la création visible et invisible".
C'est parce qu'il y a l'Eglise et sa liturgie que le monde reste ancré dans l'être, c'est-à-dire dans le Corps du Christ, car l'Eglise demeure ce lieu spirituel où l'homme fait l'apprentissage d'une existence eucharistique et devient authentiquement prêtre et roi : par la liturgie, il découvre le monde transfiguré en Christ et désormais il collabore à sa métamorphose définitive, ce qui signifie en clair à sa transfiguration.
Les options en la matière de l'Occident chrétien ont semble-t-il, avec le temps, suivi un autre chemin que cette intuition première des Pères grecs. Pour ma part et pour ne pas trop m'attarder, je retiens surtout deux hypothèses :
La première relève de l'interprétation de Genèse 1, 28 : " Remplissez la terre et soumettez-la... " L'Occident, au moins pour ces cinq derniers siècles, a peu à peu dévié vers une exigence de quête de progrès qui fait de l'homme un manipulateur plutôt qu'un médiateur. L'air vicié, les eaux polluées et le sol mortifié sont là pour nous montrer combien réel est ce type d'erreur dans la relation de l'homme avec la matière du monde. Erreur qui prend aujourd'hui les dimensions d'une menace de mort dès lors que l'homme, surtout de notre civilisation technologique avancée, n'arrive plus à reconnaître dans la nature l'œuvre vivifiante du Saint Esprit, dès lors qu'il ne constitue plus une relation personnelle de respect et d'amour avec le logos de la matière. Le monde étant ainsi orienté vers le seul développement économique, la matière devenant à son tour un objet neutre de consommation dans le but de satisfaire tous les désirs, plus rien ne peut encore qualifier préalablement la vie, puisque toute idée de création du monde par une force supérieure à celle de l'homme est absente (l'humanisme scientifique contemporain ne proclame-t-il pas que l'homme est la mesure de toute chose ?). Comme si notre civilisation se fermait sur le néant au moment où elle s'exprime dans une véritable prise de conscience planétaire.
"Soumettre la terre... " pour la Bible ne signifie en rien la réduire en esclavage ; mais c'est en faire le temple de Dieu. Nous comprendrons cela le jour où nous cesserons de nous obstiner à considérer la vie spirituelle comme une qualité surajoutée à notre existence naturelle alors que les Saintes Écritures et à leur suite les Pères de l'Eglise ne connaissent que deux réalités existentielles qui correspondent à deux seuls modes d'existence : celui de la communion avec Dieu (communion qui constitue la vie) et celui de la séparation d'avec Dieu, qui aboutit à la mort en passant par la corruption.
La seconde se réfère, surtout après le 9è siècle, à une pratique en Occident trop individualiste de l'ascèse, considérée comme une soumission du corps aux exigences de l'esprit et non plus comme un fait de communion, comme un fait ecclésial par lequel chaque travail pour gagner sa nourriture, chaque relation professionnelle, économique, sociale ou politique tendrait nécessairement à se transformer en communion eucharistique de la même manière que la prise de nourriture devient dans l'eucharistie fait de communion. Cela est d'autant plus dommage que notre génération a le privilège de vivre, pour la première fois dans l'histoire (et ce malgré une certaine forme de savoir scientifique qui aboutit au viol technologique du corps vivant de la nature), la vérité cosmologique organiquement liée à la vie ou la mort des êtres animés sur la terre. Et la vie ou la mort sur terre dépendent de l'attitude humaine par rapport à la réalité matérielle du monde. De cela aussi nous sommes conscients en cette fin du 20è siècle.
En conclusion, je dirai que l'homme est appelé à libérer la parole muette du cosmos ; il lui appartient de nommer les vivants, de respecter, d'embellir, de spiritualiser l'univers. Les tragédies que décèle l'écologie vont contraindre chacun de nous à choisir et à choisir doublement :
entre l'exploitation et finalement la destruction de la biosphère ou au contraire son respect ;
mais aussi entre une régression fusionnelle dans la grande matrice cosmique (le culte de Gaïa, la terre-mère, des écologistes surtout germaniques avec référence aux religions celtiques) ou bien une vision sacramentelle de la terre, lieu de communion des personnes. L'homme en effet ne se sauve pas en se cosmisant, c'est-à-dire en disparaissant comme existence personnelle mais c'est le cosmos qui est sauvé dans la mesure où nous le personnalisons, pour peu que nous inscrivions dans notre savoir et notre pouvoir cette contemplation de la gloire de Dieu cachée dans les êtres et les choses ainsi que je me suis efforcé de vous le démontrer tout au long de cette intervention. Les Orthodoxes de ce pays et plus encore notre jeunesse, ce me semble, peuvent beaucoup aider à transfigurer dans cette perspective l'amour intuitif qui grandit dans les jeunes générations européennes pour la beauté du monde. Là où les autres chrétiens parlent, fort utilement d'ailleurs d'éthique, nous nous préférons insister plutôt sur une vision plus liturgique, plus sacramentelle et plus mystique du cosmos, davantage aussi capable de toucher les cœurs.
Plus que jamais notre société, où tout se mercantilise, a surtout besoin des valeurs de gratuité : l'homme d'aujourd'hui a besoin d'apprendre à aimer et à admirer ; il a besoin d'une paisible beauté, qui est finalement, selon les dires de Saint Denys l'Aréopagite, la beauté qui crée toute communion.
Car autrement l'homme, après avoir détruit l'unité qu'il était appelé à réaliser entre Dieu et le monde, prendrait le risque de se mettre hors de Dieu, voire contre Lui. Tragique sera alors la conséquence : le monde lui deviendra étranger et hostile. Mais cette étrangeté et cette hostilité, c'est en fait l'homme lui-même, jeté hors de lui-même, littéralement pulvérisé hors de la création. La suite nous la connaissons déjà : "Poussière, tu retourneras à la poussière", est-il affirmé dans le livre de la Genèse (3, 19).
Seigneur notre Dieu, donne-nous la grâce de participer pleinement à la vie de l'univers ainsi qu'à l'œuvre commune de toute l'humanité ; et accorde-nous que partout où nous sommes partie prenante, le rapport de l'homme avec l'homme se transforme en rapport de communion et le rapport de l'homme et de la terre en découverte de ta présence, en certitude de ta transcendance, par les prières de ta Mère toute pure et toute sainte et de tous tes Saints.

Mgr Stephanos, métropolite de Tallinn et de toute l'Estonie

Bibliographie utilisée pour ce bref essai :
1.- C. Yannaras, SOP, déc. 1989, n° 43 : pp. 13-17.
2.- Jean Damascène, Sur les Icônes, 1/16 (PC 94/1245A)
3.- Evangelos Théodorou, La valeur pédagogique du Triode actuel. Athènes, 1958, p.94.
4.- Jean Zizioulas, La vision eucharistique du monde en l'homme contemporain. Rencontre de Salonique, 1966.
5.- Jacques Touraille, La Beauté du monde, icône du Royaume in Contacts n° 105, Paris 1979.

 

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