Dimanche de la Samaritaine

Publié le par Père Jean-Pierre

Dimanche 6 mai 2007 : 5ème dimanche après Pâques

Dimanche de la Samaritaine

Ton 4 ; Matines : 7è Evangile

Epître : Ac 11, 19-26, 29-30 ; Evangile : Jn 4, 5-42

des sts Constantin et Hélène : Epitre : Ac 26, 1-5, 12-20 Evangile : Jn 10, 1-9

Près du puits de Jacob, trouvant la Samaritaine Jésus lui demande de l'eau, Lui qui couvre la terre de nuées *  le miracle, Lui qui est porté sur les Chérubins parlait avec une femme prostituée * Il demande de l'eau, Lui qui a suspendu la terre sur les eaux, * Il désire de l'eau, Lui qui répand dans les mers les sources des eaux * Il veut reprendre celle que poursuit l'ennemi qui nous combat * et donner à celle que brûlent cruellement ses fautes l'eau de la vie * Lui le seul Miséricordieux qui aime l'homme.
Comme un fleuve de la gloire divine au milieu de la fête le Seigneur donne, à tous, les ondes de la miséricorde Il dit : Venez, vous qui avez soif et puisez * Car Il est la source de la compassion et l'océan de l'amour * Il répand sur le monde le pardon * Il lave les fautes, Il purifie les maladies * Il sauve ceux qui célèbrent sa résurrection * Il couvre ceux qui vénèrent de leur désir son ascension dans la gloire * et Il donne à nos âmes la paix et le grand amour.

Textes liturgiques orthodoxes


Texte à méditer

Le mercredi qui précède ce dimanche notre Eglise a célébré la Mi-Pentecôte. Cette fête des Juifs nous rappelle comment ils puisaient de l'eau de la piscine de Siloé qu'ils versaient sur l'autel où l'on offrait des sacrifices à Dieu. Le Seigneur saisit cette occasion pour nous rappeler qu'Il est « l'Eau vive». L'Evangile de ce dimanche nous enseigne des vérités essentielles pour notre existence. «Le dialogue du Seigneur avec la Samaritaine demeure l'un des passages les plus essentiels de l'Evangile. Le Seigneur saisit ici l'occasion pour révéler les vérités les plus grandes. Le fait qu'Il est le Messie, le sens du vrai culte et la force rafraîchissante de sa grâce».

JEAN FOUNTOULIS in Culte raisonnable, Salonique 197 1, p. 105).

Kondakion, t. 8

Venue près du puits, la Samaritaine te contempla, Source de sagesse, avec les veux de la foi * en abondance elle y puisa le royaume d'en-haut; * et sa mémoire est glorifiée pour l'éternité.

 

Ikos

Ecoutons dignement l'Evangile où saint Jean * nous enseigne clairement les mystères sacrés * survenus jadis au pays de Samarie : parlant à une femme, le Seigneur lui demande de l'eau, lui qui Jadis ordonna que les eaux se rassemblent en un seul lieu, * le Verbe de Dieu qui partage même trne avec le Père et l'Esprit, * car il est venu chercher son image perdue, * et sa mémoire est glorifiée pour l'éternité.

HOMELIE
L'ENTRETIEN DE JESUS AVEC LA SAMARITAINE

(Jean 4, 5-42)

Tout comme dans le récit de la guérison du paralytique de Béthesda l'eau vive est, ici dans l'entretien de Jésus avec une femme de Samarie, pour nous «parler» du baptême administré par l'Eglise aux catéchumènes dans la nuit pascale. Cette eau vive, c'est la Vie divine elle-même. Quiconque aura puisé l'eau vive promise par Jésus à cette femme découvrira une source en lui-même. Il s'agit d'une vie simultanément divine et éternelle.
Il nous faut bien saisir qu'ici, Jésus, à travers cette Samaritaine, s'adresse à chacun d'entre nous pour lui parler de ce qu'il y a en nous de plus intime en même temps que de plus tragique. En effet, notre drame est d'être incapables d'assumer correctement la rencontre du désir et de la finitude. Nous sommes assez fous pour vouloir infiniment le fini avec la bien vaine illusion d'oublier ainsi la mort inéluctable. Le désir infini de Lui que notre Père céleste a enfoui dans nos pauvres cœurs de pierre, nous le dévoyons vers la jouissance de la violence et de la malice, vers la possession satanique du monde et des autres avec une passion idolâtrique et destructrice. Nous nous entêtons à vouloir conférer une consistance au néant. Nous dilapidons et défigurons l'amour comme des païens du Bas Empire, souvent bien davantage que la Samaritaine aux cinq maris.
A cette femme Jésus promet une eau susceptible d'étancher toute soif. Il lui promet de mettre un terme à la monotonie de l'incessante reproduction du désir, reproduction elle-même consécutive à la négativité qu'implique le désir humain. Ce dernier, en effet, est manque d'un objet dont la consommation enfin réalisée réamorce le désir et le remet en scène. La satisfaction du désir n'est ainsi qu'apparente. En réalité, elle engendre un désir plus vif et plus grand. La jouissance ne nous stabilise pas. L'assouvissement fait renaître la représentation du désir comblé et la conscience malheureuse du manque. Insatiable, le désir est indéfiniment hanté par la réalité dont il est désir et qui jamais ne le comble. Le désir ne trouve pas de limite dans l'objet poursuivi. Il ne peut fixer un terme à son amour. Dans la douloureuse tension vers la possession de cette fin sans limites, l'homme nourrit en soi un désir toujours plus insatisfait et un amour toujours plus inassouvi. Jésus dénonce à la Samaritaine le caractère foncièrement illusoire, parce que nécessairement répétitif du désir humain dès lors que l'homme l'investit dans du fini alors que le cour de l'homme est pré-construit pour le Saint-Esprit.
Car c'est du Saint-Esprit que Jésus entend, en fin de compte, entretenir la Samaritaine. Jésus lui parle d'un culte rendu à Dieu «en Esprit et en Vérité». Il ne s'agit pas d'un culte « spirituel » et «sincère» : Jésus ne s'abaisse pas à faire de la psychologie religieuse ! Il s'agit du culte rendu en nous par le Saint-Esprit au Père céleste, du culte de l'Esprit Saint intercédant lui-même en nous. Saint Jean est ici très proche de saint Paul qui, dans son épître aux Galates parle de l'Esprit que «Dieu a envoyé en nos cœurs» et « lui crie : Abba ! Père » (Ga 4,6).
C'est que, depuis mercredi dernier, le «vent» liturgique a «tourné» : l'Eglise commence à nous préparer à la fête «terminale» de la Pentecôte (matines de Pentecôte, premier cathisme, ton 4 ) qui donne tout son sens à celle de Pâques. La vie libérée de la peur de la mort et de la tyrannie du désir, c'est la vie dans le Saint-Esprit. Mais celui-ci n'est «vivifiant», comme dit le Credo, que si l'homme consent à mourir pour vivre. Le Saint-Esprit ne peut dispenser la Vie divine et agir au plus intime des cœurs que par la fécondation de la souffrance. Il a besoin de l'humaine souffrance pour tendre de toute sa virtualité divine à transformer toute la pâte, à agir sur la masse humaine comme le ferment réalisateur progressif du Royaume. La souffrance tombe essentiellement sous l'emprise de l'Esprit Saint comme le corrosif qui doit lui ouvrir l'entrée dans le creux fermé du cour humain. Une intime corrélation s'exerce entre la souffrance et l'Esprit. La souffrance est le glaive par lequel l'Esprit Saint tue la chair, c'est-à-dire non point le corps (encore moins la sexualité!) mais «l'humain trop humain» qui doit mourir à la pseudo-humanité afin d'être divinisé et d'accéder ainsi à l'humanité véritable, à l'humanité ressuscitée.
L'eau vive promise à la Samaritaine et qui jaillit en vie éternelle, c'est l'Esprit Saint, c'est le Principe de vie filiale et divine en Jésus-Christ Fils Unique-Engendré de Dieu, c'est la Semence du Ressuscité ici-bas. Il y prolonge le mystère de la mort glorificatrice inaugurée par Jésus en sa chair jusqu'à l'absorption totale de celle-ci en l'Esprit, par la Résurrection d'entre les morts et l'Ascension à la droite du Père. Pâques et Pentecôte, la résurrection du Fils et la venue de l'Esprit sont inséparables parce que, de toute éternité, le Fils et l'Esprit sont les deux Mains jointes du Père.

Père André Borrély

Publié dans Liturgique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article