Homélie,Dimanche du triomphe de l'Orthodoxie.

Publié le par Père Jean-Pierre

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Dimanche du triomphe de l'Orthodoxie

Premier dimanche du Grand Carême.
Hébreux XI, 24 - 32
Évangile selon saint Jean I, 43 - 45.

Homélie prononcée à la Crypte par le Père René le 24 février 1991


Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Le Triomphe de l'Orthodoxie peut s'illustrer par ces mots de saint Paul : «  Connaître le Christ, Lui, avec la puissance de Sa Résurrection...» (Ph III, 10).

Le Triomphe de l'Orthodoxie, c'est la célébration du triomphe du Christ sur Sa propre mort, qui marque le triomphe de toute vie humaine sur la mort. C'est bien pourquoi le premier dimanche de Carême lui est consacré, marquant ainsi d'emblée le but vers lequel nous courons tous en cette sainte Quarantaine : la victoire du Christ sur la mort.

La Résurrection du Christ est le point de départ d'une action victorieuse du Christ dans le monde. Aussi est-elle entourée d'une jubilation triomphale. «  Jésus le Seigneur, dit saint Paul, a effacé la cédule de notre dette en la clouant sur la Croix ; Il a dépouillé les Principautés et les Puissances et les a données en spectacle à la face du monde, en les traînant dans Son cortège triomphal. » (Col II, 14-15)

La Résurrection du Christ a provoqué la glorification de Sa chair, et cette glorification s'étend au Corps entier du Christ, qu'est l'humanité régénérée dans l'Église. La puissance de la Résurrection du Christ nous apporte les prémices non seulement de notre immortalité mais de la transfiguration glorieuse de notre nature.

C'est pourquoi tous les dogmes conciliaires, celui de la divinité du Christ, puis celui de la divinité de l'Esprit, celui des deux natures divine et humaine du Christ et pour finir celui que nous célébrons aujourd'hui, celui de la vénération des Saintes Images, sont tous considérés en Orient chrétien comme le triomphe de l'Orthodoxie. Car tous, y compris le culte des Saintes Images, manifestent que la puissance de la Résurrection du Christ peut dès ce monde-ci transfigurer notre nature. Le chrétien orthodoxe ne doit pas simplement attendre la Gloire pour la fin des temps ; dès aujourd'hui il sait que notre chair peut être sanctifiée, glorifiée et pour tout dire déifiée, par la puissance des énergies divines qui nous sont acquises et déversées par le Ressuscité.

Cette transfiguration de notre chair, de notre nature humaine, possible dès notre vie sur terre, dépasse autant qu'elle les accomplit, toutes notions de rédemption, de salut et de justification. Non seulement notre nature peut être déifiée, mais le monde lui-même aussi, pour lequel nous sommes tous rois, prêtres et prophètes.

L'échelle qui repose sur la pierre angulaire du Fils et qui mène au Père, l'échelle où montent et descendent les saints Anges est le faisceau des énergies divines qui transfigurent le monde dans la lumière du Thabor. La Gloire du Ressuscité devient la gloire de tout croyant ; la Gloire du Christ devient celle d'un monde déjà renouvelé en puissance. Le triomphe de la vie divine en l'homme, voilà le triomphe de l'Orthodoxie !

Mais ce n'est pas sans raison que le triomphe de l'Orthodoxie est célébré en tête du Carême. Cette Gloire, nous n'y accédons que dans la mesure où nous purifions notre nature. Participer à la Résurrection glorieuse du Christ exige d'y préparer nos cœurs, nous avons la responsabilité de rendre notre nature transparente aux énergies divines, d'éliminer en nous tout ce qui nous rend opaques et imperméables à l'Esprit, car cet Esprit nous appelle, dit saint Paul, à posséder la Gloire du Seigneur Jésus-Christ. (2 Th II, 14)

Si donc le triomphe de l'Orthodoxie est de connaître le Christ avec Sa puissance de Résurrection, saint Paul ajoute aussitôt «  et avec la communion à ses souffrances ». Le triomphe de l'Orthodoxie présuppose l'humiliation des cœurs. «  Ayez en vous, dit saint Paul, les sentiments mêmes qui furent dans le Christ Jésus. » (Ph II, 5) Ce qui exige d'éradiquer en nous toute volonté triomphaliste. Reconnaissons que nous sommes trop souvent, en tant qu'orthodoxes, déchirés par une certaine incompréhension de notre foi et que nous le ressentons comme une douloureuse brûlure du cœur. Cette réaction négative doit être dépassée pour être vécue comme un amour plus brûlant encore pour le Seigneur.

Le triomphe de l'orthodoxie se manifeste en premier et déjà dans ce travail de purification que nous menons sur nous-mêmes, sur notre chair, c'est-à-dire sur cette capacité d'orgueil, d'égoïsme, de volonté possessive qui se cache dans les replis de notre cœur, sur tout ce qui insulte en nous l'icône du Christ, la figure du Serviteur souffrant, la figure de l'homme des Béatitudes.

Nous ne sommes pas seuls, nous ne sommes jamais seuls. Le Christ est toujours avec nous. Il ne cesse de nous prodiguer l'Esprit saint. Ne contristons pas l'Esprit qui est en nous, qui gémit en nous, qui prie pour nous, qui Se joint à notre esprit pour nous faire nous écrier «  Abba, Père ».

La réception de l'Esprit saint, son acquisition, voici où se situe aujourd'hui le triomphe de notre foi. Mais le Saint-Esprit ne s'impose pas. On ne l'acquiert qu'avec un cœur assoiffé de Dieu, et l'humilité est la voie pour s'ouvrir à la lumière ineffable. Tous les saints orthodoxes l'ont expérimenté, saint Syméon le Nouveau Théologien, saint Grégoire Palamas, saint Séraphim de Sarov, pour ne citer que les plus connus.

Cette voie de l'humilité est le trésor de l'Orthodoxie. Encore faut-il que chacun d'entre nous s'en persuade et le vive ; tout dépend de notre soif de repentir et de notre détermination à vivre selon l'Esprit. Si nous l'abandonnons, nous ne sommes plus dans l'Esprit de Dieu, nous ne sommes plus dans l'Église du Saint-Esprit, et Dieu ne nous connaît plus. Il se peut que nous parlions encore du triomphe de l'Orthodoxie, mais Dieu n'est plus en nous et Sa Gloire nous a abandonnés.

Mais l'humilité et l'abaissement, pour être nécessaires, ne sont pas une fin en soi. Le propre mouvement d'anéantissement du Christ de Son rang divin, à Son Incarnation, puis à Sa mort sur la Croix, a été pour entraîner Son triomphe, Son exaltation au plus haut des Cieux, et qu'Il soit proclamé Seigneur, à la Gloire de Dieu le Père.

Notre humiliation vécue pour le Christ est pour amener notre relèvement dans Sa Gloire et pour le partage de Son triomphe. Vivre selon le Christ, c'est déjà vivre avec le Christ, c'est déjà partager Sa Gloire, c'est nous ouvrir à la lumière thaborique, prémices de la lumière du Huitième Jour. «  Purifions donc nos sentiments, dit saint Jean Chrysostome, et nous verrons le Christ dans la lumière inaccessible de Sa Résurrection. » Et pour revenir à saint Paul : «  acceptons de tout perdre afin de gagner le Christ, de Le connaître, Lui, avec Sa puissance de Résurrection et la communion à Ses souffrances, de Lui devenir conformes dans sa mort, afin de pouvoir... ressusciter d'entre les morts. »

Quel plus grand triomphe à espérer ? Quel plus grand triomphe rechercher ?

Père René

Publié dans Homélie

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