RUSSIE • Staline, le retour d'une icône......

Publié le par Père Jean-Pierre


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RUSSIE •  Staline, le retour d'une icône
La présence d'une icône représentant le "petit père des peuples" dans une église orthodoxe russe fait scandale. Néanmoins, des communistes indépendants voient ce culte d'un bon œil, rapporte Novyé Izvestia.
Dessin : Martin Tognola, Barcelone
Le défunt archiprêtre Dmitri Doudko [1922-2004], qui avait été dans sa jeunesse un antisoviétique déclaré et avait passé de nombreuses années dans les camps staliniens, s'était soudain, en vieillissant, pris de passion pour celui qui fut le "seigneur et maître" de son pays. Dans ses sermons, le père Dmitri affirmait que Staline était, en réalité, croyant et n'avait aucune persécution de l'Eglise sur la conscience. Dans un de ses articles, il avait même déclaré : "Je voudrais tellement pouvoir enfin m'écrier ‘saint Iossif le juste, implore Dieu pour nous !'" 

On pourrait croire que c'est là un cas exceptionnel, or on s'aperçoit que le père Dmitri a fait des émules. A Strelna [près de Saint-Pétersbourg], le père supérieur de Sainte-Olga, l'higoumène Evstafi (Jakov), a installé dans son église une icône de la bienheureuse Matrona de Moscou [une Russe qui vécut de 1885 à 1952 et qui fût canonisée après sa mort par l'Eglise orthodoxe pour sa vie exemplaire], une femme sur laquelle coure un grand nombre de légendes. 

L'une d'elles raconte que la "petite mère Matrona" recueillait les confidences de Staline et qu'elle l'aurait reçu chez elle à l'automne 1941. Très inquiet de la situation à Moscou [la guerre avait éclaté en juin et les nazis se trouvaient déjà près de la capitale], il aurait été réconforté par ses paroles, car elle lui aurait dit : "Tu vas rester seul dans la ville. Fais évacuer tout le monde, mais sans laisser la ville tomber aux mains de l'ennemi. Tu ne la lui abandonneras pas." Et c'est cette scène que représente l'icône. Staline, en pied, a une allure beaucoup plus imposante que la "petite mère". Plusieurs fidèles de l'église Sainte Olga qui refusaient de s'incliner devant cette image ont fait part de leur mécontentement au père Evstafi. Ce dernier a finalement accepté de déplacer l'icône litigieuse. Elle se trouve désormais sur le petit autel inférieur. 

Il explique sa démarche : "Outre Notre Seigneur, j'ai eu deux pères, mon père biologique et Staline, qui était sévère, qui rendait ses jugements, à qui il est peut-être arrivé de se tromper, mais qui a malgré tout été le père de mon pays. Toutes les attaques visant Staline sont aussi ridicules qu'odieuses. Je ne veux pas écouter ces caniches de la démocratie aboyer devant un lion mort. J'écoute mon cœur. Chaque fois que cela se justifie, j'évoque Iossif Vissarionovitch lors des services religieux, surtout lors des anniversaires de sa mort, de sa naissance et de la célébration de la victoire commune de notre peuple." Lorsqu'on lui rappelle que Staline était athée, il répond : "Qu'en savez-vous ? Il dirigeait un Etat athée, mais ça ne veut rien dire ! Moi, je préfère croire deux patriarches, Sergueï et Alexis II. Ils étaient absolument persuadés que Staline était croyant." 

Par une étrange coïncidence, au moment où apparaissait l'"icône de saint Iossif", les Communistes de Saint-Pétersbourg [une formation locale distincte du Parti communiste de Russie] proposaient au patriarche actuel de canoniser Staline. Sergueï Malinkovitch, chef des Communistes de Saint-Pétersbourg et de la région de Leningrad, expose ses raisons : "Je ne vous cache pas que la plupart des membres de notre mouvement sont athées, mais nous avons aussi des croyants, des orthodoxes, et nous nous efforçons de prendre en compte leurs sentiments. Les prêtres avec lesquels nous avons discuté confirment que Staline est un personnage très respecté par les fidèles. C'est pour cela que nous avons envisagé une possible canonisation et la création d'une icône à son image." C'est ainsi que 10 000 icônes devraient bientôt être réalisées, afin d'être "diffusées parmi les gens pour qui Staline est depuis longtemps déjà une figure sacrée". 

Malheureusement pour eux, ni l'initiative du père Evstafi, ni les intrigues orthodoxes des Communistes de Saint-Pétersbourg n'ont pour l'instant semblé enthousiasmer l'Eglise orthodoxe russe. "Le patriarcat n'a pas les moyens de faire cesser ce terrible mouvement", estime l'archiprêtre Mikhaïl Ardov, supérieur de l'église du Saint-Tsar-martyr-Nicolas à Moscou. "Ces demandes de canonisation et tout ce que nous voyons à la télé, ces personnes âgées qui vont manifester en brandissant à la fois des portraits de Staline et des icônes orthodoxes sont affolantes. Elles sont le signe que les gens ont complètement perdu le sens des réalités. 


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