HÉRITIERS DES ÉPÎTRES DE SAINT PAUL (4/6) « La Croix » a voyagé à la rencontre des communautés auxquelles s’adressaient en leur temps les épîtres de saint Paul. Que sont-elles devenues ? Qu’ont-elles à répondre aujourd’hui aux lettres de l’Apôtre ? Reportage chez les Thessaloniciens A Thessalonique, le défi de l’accueil des étrangers Thessalonique est aujourd’hui la deuxième ville de Grèce. La religion y est particulièrement prégnante. À titre individuel, des orthodoxes s’engagent sur le chemin de l’œcuménisme. Les catholiques sont, pour la plupart, d’origine étrangère THESSALONIQUE (Grèce) De notre envoyée spéciale Cent soixante-six kilomètres séparent Philippes de Thessalonique. La route longe le littoral, passe par Amphipolis, où subsistent encore quelques vestiges de basiliques paléochrétiennes, puis par Apollonia, au bord du lac Bolbê, où Paul ne s’est pas plus attardé que ne le font aujourd’hui les pèlerins de passage. La route laisse sur la droite le Mont Athos, république monastique autonome, dont les monastères et les 1 500 moines attirent des jeunes Occidentaux, comme Tanguy, étudiant lillois venu en Grèce dans le cadre du programme Erasmus. Thessalonique, qui abrita durant plusieurs siècles l’une des plus importantes communautés juives d’Orient, est une métropole moderne et cosmopolite, la deuxième ville du pays. Dans le centre-ville, au détour de grandes avenues comme de ruelles, les églises orthodoxes sont parmi les plus remarquables de l’art byzantin. La plupart d’entre elles arborent le drapeau grec, bleu et blanc, et le drapeau jaune avec l’aigle à deux têtes de l’Empire byzantin. À toute heure, des hommes et des femmes viennent y embrasser les icônes et réciter quelques prières avant de s’en retourner à leurs occupations. « Il ne s’agit pas d’un ritualisme archaïque, mais d’une supplication de l’âme, explique un prêtre à la longue barbe grise. L’icône absorbe tout, même les larmes. Elle est un point de contact, un lieu de rencontre. Elle ouvre un chemin vers le devin. Elle fait le lien avec l’au-delà. » Ce samedi 28 juin, au monastère, séparé de la petite église du XIV e siècle par une petite cour bordée de lauriers et une volière, une cinquantaine de personnes se sont retrouvées pour les vêpres de la Saint-Pierre-Saint-Paul. À leur arrivée, après avoir allumé plusieurs cierges devant les icônes, les hommes ont baisé la main de Mgr Panteleimon, l’higoumène, abbé du monastère ayant rang d’archevêque, avant de s’asseoir à droite, dans les stalles. Les femmes, elles, sont spontanément allées vers la gauche avec leurs enfants. Psaumes, tropaires, lectures, litanies se sont succédé. Rares sont ceux qui ont assisté à la totalité de l’office divin qui s’est poursuivi à l’extérieur, à l’ombre d’un vieux pin, où Mgr Panteleimon a béni les cinq pains dont chaque fidèle a emporté plus tard un morceau. Georgios Antoniou, 20 ans, étudiant en première année à la faculté de théologie, aime venir au monastère et n’exclut pas d’y étudier un jour avant de s’engager peut être plus avant. Pour le moment, il est simplement chantre. Pour lui, Paul est « celui qui a apporté en Grèce la lumière et l’espérance » . Les Thessaloniciens d’aujourd’hui, comme l’immense majorité des Grecs, sont orthodoxes. Les catholiques, eux, ne sont qu’une poignée. Moins de 6 000 pour toute la Grèce du Nord. À titre indicatif, Thessalonique compte 235 églises orthodoxes et trois églises catholiques. « Nous sommes reconnus pour les œuvres d’amour sans distinction de nationalité ou de religion que nous avons menées, et que nous nous efforçons avec difficulté de poursuivre », explique le P. Jean Assimakis, secrétaire du vicariat apostolique de Salonique et curé de la chapelle du Sacré-Cœur, qui ajoute : « C’est une grande douleur pour les catholiques grecs de constater que désormais leur Église est en Grèce, mais pas de Grèce. » La cathédrale de l’Immaculée-Conception, lieu où se rassemble la communauté, est desservie depuis 1783 par les lazaristes. Ils sont aujourd’hui sept : trois Grecs, trois Polonais et un Philippin. Les Frères des Écoles chrétiennes, qui sont trois aujourd’hui, dirigent un collège de 700 élèves, « orthodoxes à 90 % », précise le F. François Varthalitis, lasallien. Les cinq Missionnaires de la Charité de Mère Teresa, venues d’Albanie, du Kenya et d’Inde, accueillent dans leur maison une douzaine de femmes battues et leurs enfants. Il y a peu, les Sœurs de la Charité s’occupaient encore d’une école et d’un hôpital. Le principal défi que doit aujourd’hui relever cette Église est l’accueil des étrangers. Thessalonique accueille des personnes venant des Balkans, du reste de l’Europe et de plusieurs pays d’Afrique. L’Église catholique rassemble, elle, plus de 50 nationalités : des Grecs, des Italiens, mais aussi des Albanais, des Polonais, des Congolais, des Nigérians, des Philippins qui travaillent notamment pour les grandes familles d’armateurs… Felix Tibinounga, qui est arrivé du Congo à l’âge de 18 ans pour étudier la médecine, est orthopédiste, chef de clinique et… sacristain à la cathédrale. « Saint Paul a dit qu’il n’y avait plus ni juif ni grec, ni esclaves ni hommes libres, plus de séparation, rappelle-t-il. Pourtant, il est difficile pour les étrangers de s’insérer en Grèce. L’Église catholique a un rôle à jouer. Elle pourrait par exemple créer une maison d’accueil pour les étrangers. » Le F. Janucz Zwolinski, polonais, responsable de la communauté lazariste, est conscient de cette attente. « Nous devons nous efforcer de rejoindre chacun, au-delà des différences de culture et de langue. Mais nous devons aussi veiller à éviter les replis communautaires. C’est pourquoi nous avons décidé de dire la messe alternativement, une fois par mois, en polonais, en albanais, en français, en grec. La formation biblique et catéchétique des laïcs est aussi une priorité. » « Quand je pense à saint Paul, poursuit-il, à la manière dont, malgré les difficultés, il parvenait à faire rayonner le mystère de l’Évangile au point de bouleverser la vie de quelques personnes, je fais le lien avec la mission actuelle. Comment, dans les contacts très ordinaires que la vie offre, laisser pressentir ou entrevoir quelque chose du Christ, de Dieu qui se propose en Jésus-Christ à l’homme ? » À Thessalonique, le dialogue avec les orthodoxes se vit principalement au travers des couples mixtes qui se sont formés dans les années 1960, quand des Grecs ont émigré vers d’autres pays européens, et dont les femmes viennent surtout à l’église – quand il y en a une – « pour respirer, pleurer, parler » . La semaine de l’unité est également l’occasion de faire un pas vers l’œcuménisme. Le P. Jean Louvaris, lazariste – qui se situe comme « minorité de la grande Église universelle » –, en est la cheville ouvrière. Chaque année, il parvient >>>> « C’est une grande douleur pour les catholiques grecs de constater que désormais leur Église est en Grèce, mais pas de Grèce. » |