Encore préservée du tourisme de masse, la Grèce du Nord regorge, aux confins de l’Europe, de merveilles parfois méconnues du patrimoine chrétien de monastères orthodoxes sont perchés à l’abri des regards, dans ce domaine réservé de 57 kilomètres de long. Plus de 1 400 moines y vivent selon leur propre rythme. Depuis l’un des bateaux qui propose une croisière au large des côtes de la « République monastique» autonome, on peut deviner leur quotidien de prière, de jeûne et de silence. Certains sont justement en train de pêcher Moins hédoniste, la Grèce du Nord ressemble aux icônes sur lesquelles le visage de la Vierge est représenté sans sourire. Exigeante. Ascétique. à la ligne, seuls sur leur barque. «Je rêve d’aller au mont Athos», reconnaît Chara. Impossible : les femmes ne sont pas admises à séjourner sur la presqu’île. Orestis s’y est déjà rendu une quinzaine de fois, pour se ressourcer. Ce guide de montagne de 43ansapprécie le principe d’une limitation du nombre de visiteurs, dont la « montagne sacrée » est l’exemple le plus radical. Lui-même souhaite développer un tourisme écologique dans la montagne où il est né, à l’est de la Macédoine. Son métier ? « J’invente des circuits de promenade pédestre », explique Orestis. Pour comprendre ce qui l’anime, il faut le suivre en altitude dans les montagnes de l’arrière-pays qui surplombent les gorges du fleuve Nestos. « Voici la transition entre la végétation méditerranéenne et européenne », souligne Orestis. Au loin, les sommets du massif du Rhodope, qui forment la frontière avec la Bulgarie. Un trésor de biodiversité, peuplé d’ours bruns. Seul le passage insolite d’un train en contrebas, sur l’ancienne ligne de l’Orient-Express vers Istamboul, vient troubler le silence vertigineux. Sur la route du retour, parcourant la plaine vers Thessalonique, on songe à ce que la terre grecque recèle de mystères enfouis dans ce sol encore peu sondé par rapport au sud du pays. On rêve au silence de l’archéologue, plongé dans les entrailles de l’Histoire. Celui de Manolis Andronicos, par exemple, qui a mis au jour il y a seulement trente ans le tombeau du roi Philippe II de Macédoine, père d’Alexandre le Grand. On peut admirer la sépulture à Vergina, à l’ouest de la région. Et se remémorer le témoignage de l’archéologue, au moment où il a compris ce qu’il avait exhumé: « Un frisson me parcourut l’échine, comme un choc électrique passant à travers moi. Si la datation… et s’il s’agissait de restes royaux… alors… j’aurais tenu les ossements de Philippe dans mes mains ? » LUC IHADDADENE |