Synaxaire

Publié le par Père Jean-Pierre

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le 10 décembre, mémoire de notre vénérable Père THOMAS DEFOURKINOS


Saint Thomas fleurit sous le règne de Léon VI le Sage (886-912). Originaire des environs du mont Kymina en Bythinie1 il apprit, dès son plus jeune âge, à aimer la vie monastique, car son père avait coutume de l'emmener fréquemment visiter les nombreux moines qui demeuraient là. Initié aux rudiments des observances monastiques et ayant appris par coeur le Psautier et le Livre des Epîtres, il embrassa avec ardeur la vie angélique et s'efforça, par les rudes combats de l'ascèse, d'orner l'image de Dieu déposée en lui, en y appliquant les couleurs harmonieuses des saintes vertus.

Un riche personnage de Constantinople avait alors entrepris la fondation d'un monastère pour la gloire de Dieu et le salut de son âme, et il avait demandé le conseil de l'Evêque de la région pour le choix d'un moine vertueux et expérimenté comme Higoumène. Recommandé comme exemple vivant de l'observation rigoureuse de toute la discipline monastique, Thomas devint supérieur de la nouvelle communauté. Il continuait néanmoins ses combats pour élever son âme dans les hauteurs et, plus il essayait de se cacher aux yeux des hommes, plus on accourait à lui pour jouir de sa sainte présence. Au bout de quelque temps, il trouva un remplaçant et prit congé des frères pour gagner la solitude, mais ses moines, inconsolables, partirent bientôt à sa recherche et n'eurent de répit qu'en le ramenant au monastère, après lui avoir promis de lui construire une cellule isolée où il pourrait rester comme reclus, tout en assurant la direction spirituelle des frères.

Mais le père du mal, le diable, ne supportant pas de se voir sans cesse provoqué par les audacieux combats du Saint, déchaîna contre lui des épreuves corporelles. Pendant trois ans, il lui envoya continuellement des moustiques qui l'assaillaient jour et nuit, et rendirent son corps méconnaissable par leurs piqûres. Puis ce furent des nuées de mouches, et encore des bataillons d'innombrables fourmis, qui vinrent le tourmenter, sans parvenir cependant ni à lui faire quitter sa cellule ni à le distraire de sa prière incessante et de sa ponctualité dans l'organisation de sa vie. Il affrontait ces épreuves comme un véritable disciple du Christ: méprisant les vaines machinations du démon, et le repoussant au loin par le jeûne et l'invocation du Nom de notre Seigneur. Au bout de neuf ans de lutte, le Malin tenta une nouvelle offensive en remplissant sa cellule de serpents venimeux à l'aspect rebutant. Ils étaient si nombreux que Thomas ne pouvait pas s'asseoir ou déplacer un objet sans en trouver un. Mais, là encore, même constance et ferme confiance dans l'assistance de Dieu, malgré les piqûres et morsures continuelles de ces bestioles, pendant plus de onze années.

Un jour que le serviteur de Dieu célébrait la Sainte Liturgie, assisté d'un jeune disciple, le démon surgit silencieusement derrière lui, sous la forme d'une bête monstrueuse, semblable à un boeuf difforme. Le jeune frère, devant ce spectacle, resta paralysé de terreur, pendant que le Saint poursuivait paisiblement ses prières, tout plongé en Dieu. Venant à se retourner, il vit le monstre, mais sans aucunement se troubler, il rappela vers lui son disciple d'une voix impérative et termina la Liturgie. Puis, sortant du Sanctuaire, il s'approcha de la bête qui tenta de le mordre; mais aussitôt qu'elle eût touché l'ornement du Saint, elle fut comme brûlée par une flamme ardente et s'enfuit en courant pour se jeter dans un précipice et disparaître. Le visage du bienheureux, triomphant des embûches du diable, s'illumina alors de lumière divine; et les serpents, qui infestaient depuis tant d'années sa cellule, périrent sur le champ, dévorés par une nuée d'oiseaux. Dès lors délivré de toute tentation, Saint Thomas reçut, avec la paix imperturbable du coeur, le pouvoir d'accomplir des Miracles et de prédire l'avenir, ce qui eut pour effet d'attirer à lui des foules plus nombreuses de visiteurs qui venaient troubler sa solitude pour demander son assistance. L'empereur Léon VI lui-même, ayant envoyé un émissaire auprès du Saint moine pour éprouver son don de clairvoyance, se trouva confondu en recevant la réponse à lénigme quil lui avait envoyée, sans même que Thomas ait eu besoin de prendre connaissance de son message. Devant une telle affluence, redoutant comme la peste la gloire qui vient des hommes, Saint Thomas organisa sa succession et quitta de nouveau le monastère pour trouver refuge dans un lieu inaccessible, perché dans les hauteurs. Il y demeura totalement seul avec Dieu pendant de nombreuses années, n'acceptant de descendre au monastère que lorsque l'âme de l'un ou l'autre des frères était en danger. Parvenu à un grand âge, il tomba légèrement malade, et remit en paix son âme entre les mains de Dieu.

1. Proche du Mont Olympe, le Mont Kyminas était à cette époque un important centre monastique, illustré en particulier par le séjour de Saint Athanase l'Athonite (5 juillet) et de son père spirituel, Saint Michel Malëinos (12 juillet).


Le 11 decembre, mémoire de notre vénérable Père DANIEL le STYLITE

Astre illuminant le monde de l'éclat de ses vertus et vivante échelle qui, à son exemple, nous invite à monter de la terre vers le ciel, notre Saint Père Daniel était originaire du petit village de Mératha, près de Sarnosate en Syrie. Sa mère, restée longtemps stérile, l'obtint par ses prières, à la suite d'une vision lumineuse, signe de la gloire réservée à son enfant. Parvenu à l'âge de cinq ans, il fut conduit par ses parents dans le monastère voisin pour être consacré à Dieu comme le Prophète Samuel (voir 1 Samuel 1:19 sv). Il reçut alors le nom de Daniel, après avoir, sur l'ordre du supérieur, tiré au hasard le Livre du Prophète Daniel qui se trouvait placé devant l'Autel; mais il ne fut pas accepté dans le monastère, à cause de son trop jeune âge. Quand il eut atteint ses douze ans, il entendit sa mère lui dire: «Mon enfant, je t'ai consacré à Dieu». Sans plus attendre, il se rendit de lui-même dans un monastère des environs et obtint par ses instantes supplications d'être reçu parmi les frères, malgré les réticences de l'Higoumène. Il fit de tels progrès dans la voie de Dieu et montra une telle ardeur aux combats de la vertu, qu'au bout de peu de temps, le supérieur le tonsura et le revêtit de l'habit angélique, en présence de ses parents au comble de la joie, puis il en fit son disciple préféré.

Appelé un jour à une réunion d'Archimandrites convoquée par l'Archevêque d'Antioche, son supérieur prit Daniel pour compagnon de voyage et lui donna ainsi l'occasion de réaliser son plus cher désir: vénérer les Lieux Saints et rendre visite à l'illustre
Saint Syméon le Stylite (mémoire le ler septembre), dont l'ascèse si peu commune attirait l'admiration des uns et les critiques des autres. Parvenus aux pieds de la colonne du Saint, le spectacle d'un combat si héroïque mené pour le Christ et le rayonnement de la charité du grand Ancien frappa de stupeur tous ceux qui avaient mis en doute sa sainteté. Daniel fut le seul à surmonter la crainte qui paralysait tous les Higoumènes qu'il accompagnait, et, au moyen d'une échelle, il monta prendre la bénédiction du Saint qui lui dit: «Courage, Daniel, prends force et patience, car tu auras à supporter pour Dieu bien des fatigues. Mais j'ai confiance dans le Seigneur que je sers, qu'Il te fortifiera et se fera ton compagnon de route».

Quelque temps après, son Higoumène ayant été rappelé vers le Seigneur, Daniel, alors âgé de 37 ans, fut désigné pour le remplacer. Après avoir éprouvé les capacités de son second, il se rendit à nouveau, pour deux semaines, auprès de Saint Syméon; puis il se mit en route pour enfin visiter les Saints Lieux et s'enfoncer dans la solitude du désert de Palestine. Sur la route, un vieillard ayant l'apparence de Saint Syméon, lui apparut soudain et le persuada de ne pas s'exposer inutilement au danger des rebelles Samaritains, mais de prendre le chemin de Constantinople, la «nouvelle Jérusalem», illustrée par la présence de tant de précieuses Reliques et de si nombreux sanctuaires, et aux environs de laquelle on pouvait aisément trouver la quiétude du désert.

Parvenu aux abords de la ville impériale, dans un endroit appelé Anaple1, Daniel se retira d'abord pendant sept jours dans une chapelle de Saint-Michel l'Archange pour y prier; puis, à l'exemple des vaillants héros de la foi: Antoine, Paul et tant d'autres, il pénétra avec audace dans un temple païen infesté de démons qui maltraitaient beaucoup de voyageurs, revêtu de l'armure de Dieu, du bouclier de la foi et du glaive de la prière (voir Ephésiens 6:14). Indifférent aux cris sauvages qui perçaient le silence de la nuit et aux jets de grosses pierres, 1'athlète du Christ persévéra dans la prière, nuits et jours, et mit en fuite les esprits impurs par le feu de la vivifiante Croix. Enfermé dans ce temple, il ne communiquait avec les visiteurs, qui affluèrent bientôt attirés par sa réputation, que par une étroite ouverture. Pris de fureur devant une telle renommée, le démon excita la jalousie de quelques Clercs de Saint-Michel, qui allèrent dénoncer le serviteur de Dieu à l'Archevêque Anatole, en l'accusant d'hérésie. Après avoir une première fois repoussé les calomniateurs, le sage prélat fit enlever Daniel et amener à Byzance. Mais, grandement édifié par sa pure confession de foi et plein de reconnaissance après avoir été délivré d'une grave maladie par la prière du saint ascète, l'Archevêque devint l'un de ses plus fervents admirateurs et se résolut difficilement à le laisser regagner sa retraite, accompagné par une foule en liesse.

Neuf années plus tard, âgé de 51 ans, Daniel tomba un jour en extase et vit Saint Syméon le Stylite debout devant lui, au sommet d'une immense colonne de nuée, entouré de deux hommes à l'apparence lumineuse qui, sur l'ordre du vieillard, vinrent prendre Daniel pour l'amener auprès de lui. Celui-ci l'embrassa paternellement et disparut dans le ciel, en laissant son fils spirituel sur la colonne, en compagnie des deux Anges. Cette vision fut bientôt confirmée par l'arrivée d'un des disciples du grand Stylite, le moine Serge, qui venait annoncer le trépas de Saint Syméon à l'empereur Léon Ier (457-474) et lui remettre la cuculle de peau du Saint2. Mais l'entrevue avec le souverain tardant, il remit finalement la précieuse Relique à Daniel, devenu ainsi, comme un nouvel Elisée, héritier de la mélote d'Elie après son départ vers le ciel (voir II Rois 11:13).

Confirmé par ces signes et averti du moment propice par un songe, Daniel, aidé de quelques pieux amis, décida de sortir du temple pour suivre de Saint Syméon et monter sur une colonne, haute de la taille de deux hommes, qu'une colombe blanche, envoyée par Dieu, avait désignée au Saint et à ses amis. Le propriétaire des lieux, Gèlanios, un familier de l'empereur, irrité de cette intrusion,voulut chasser Daniel; mais à la suite orage soudain qui détruisit ses vignes et devant le spectacle de l'endurance du stylite, il changea d'avis et, dans son enthousiasme pour l'héroïque combattant du Christ, il fit même construire à côté une nouvelle colonne, plus haute, aux pieds de laquelle Serge s'installa afin d'assurer la direction des disciples en nombre sans cesse croissant. Exposé devant les hommes et les Anges comme le Christ sur la Croix, Daniel restait immobile, vivant que pour le ciel, et en retour Dieu utilisait sa colonne comme un canal déversant à profusion Sa grâce sur les fidèles. Miracles, signes, guérisons, paroles de salut et de sagesse céleste attirèrent bientôt auprès du solitaire un grand nombre de visiteurs, parmi lesquels se trouvaient les personages les plus illustres du temps: le consul Cyrus, dont les deux filles furent guéries par le Saint, l'impératrice Eudocie à son retour d'Afrique, et l'empereur Léon lui-même, qui obtint un héritier grâce à la prière de Daniel et qui en témoignage de gratitude, fit jeter les bases d'une troisième colonne.

Dévorés par le démon de la jalousie, des hérétiques envoyèrent alors au bienheureux une célèbre prostituée pour le dévoyer; mais celle-ci fut soudain assaillie et cruellement tourmentée par un démon. Elle en fut finalement délivrée par la prière de Daniel, à la confusion des intrigants qu'elle dénonça en public.

Devant une telle renommée, le pieux empereur pressa l'Archevêque Gennade (458-471) d'ordonner Prêtre l'homme de Dieu, malgré ses réticences. Mais une fois le Hiérarque et sa suite sur les lieux, Daniel, devinant leur projet, ne les laissa pas monter jusqu'à lui. Gennade prononça alors la prière d'ordination à distance, demandant au Christ d'imposer d'en-haut invisiblement la main sur son disciple, pendant que la foule criait: «Il est digne! » Daniel finit par céder et ordonna qu'on pose l'échelle pour que l'Evêque monte vers lui. Après s'être embrassés, ils reçurent tous deux l'un de l'autre la Sainte Communion, entre le ciel et la terre.

Peu après l'installation de Daniel sur la troisième colonne, la capitale fut ravagée pendant une semaine par un terrible incendie (ler septembre 465), qui avait été prédit par le Saint, mais l'empereur et sa cour n'en avaient pas tenu compte. On vint alors en foule, le souverain lui-même et son épouse en tête, pour lui demander pardon et le supplier d'intercéder pour le peuple de Dieu en détresse. Peu après, un violent orage se déchaîna et le vent ébranla la colonne qui avait été mal ajustée, de sorte qu'elle oscillait de droite à gauche sous des trombes d'eau, en mettant à tout moment en danger la vie du solitaire, sous le regard effrayé de ses disciples. Une autre fois, en hiver, le vent emporta sa tunique de peau, et il resta toute la nuit exposé nu à la neige. Lorsque, bien tard, ses disciples vinrent à lui, ils le trouvèrent inanimé et couvert de glace. Après l'avoir ranimé avec de l'eau chaude, ils apprirent avec stupeur que pendant tout ce temps le Saint avait été transporté en esprit dans un lieu de repos, où il s'était entretenu avec Saint Syméon le Stylite. A la suite de cet incident, l'empereur exigea que l'on construisit un petit abri au-dessus de la colonne pour protéger Daniel des intempéries.

L'empereur Léon était si admiratif devant la conduite du Saint stylite qu'il se fit construire une demeure à proximité et emmenait tous ses visiteurs étrangers lui rendre visite, rois, empereurs ou ambassadeurs. C'est ainsi que Daniel joua le rôle de médiateur entre Léon et le roi des Lazes, Goubazios, pour régler leurs différends politiques. A maintes autres occasions, l'homme de Dieu mit son esprit prophétique, sa sagesse et le pouvoir de sa prière au service du bon droit et de la justice.

Lorsque Basilisque usurpa le pouvoir et chassa l'empereur Zénon (475), prenant la défense des monophysites, il voulut rejeter les décisions du Saint Concile de Chalcédoine et menaça le pieux Archevêque Acace qui dut trouver refuge à Sainte-Sophie, entouré par les moines de la capitale. Après avoir repoussé les avances de Basilisque, qui cherchait à le mettre de son côté, Saint Daniel, confirmé par un signe divin, résolut de descendre de sa colonne et de se rendre en ville, comme Saint Antoine autrefois, pour venir au secours à l'Eglise en détresse, Porté par une foule immense et enthousiaste, qui grandissait d'autant plus que les guérisons se multipliaient sur son passage, le Saint se rendit d'abord à la Grande Eglise (Sainte-Sophie) pour y prêcher la Foi Orthodoxe, puis il poursuivit sa marche triomphale jusqu'au palais de l'Hebdomon, où s'était réfugié l'usurpateur. En signe de malédiction, il secoua alors devant la porte la poussière de ses pieds, selon la parole évangélique (Mt 10:11), imité par la foule. Basilisque, effrayé devant ce déploiement de force, fut convaincu lorsque la tour du palais s'écroula à l'arrivée du Saint, et il décida de rentrer à la capitale, où il fit profession d'orthodoxie et se réconcilia avec Acace en présence de tout le peuple. De retour sur sa colonne, après d'autres nombreux Miracles sur le chemin, Daniel prédit la mort prochaine de Basilisque et le retour au pouvoir de Zénon (476-491), lequel lui porta une haute vénération, ainsi que son successeur Anastase (491-518).

La colonne du Saint était devenue un des lieux les plus vénérés de la région de Constantinople, on y accourait de toutes parts; et, malgré les objections de Daniel, l'empereur y fit construire une vaste hôtellerie, à côté d'une église où étaient déposées les Reliques de Saint Syméon le Stylite, venues d'Antioche. Tel un ange terrestre, le cœur et les yeux constamment tournés vers Dieu, le saint homme demeurait inaccessible à la vaine gloire ou à l'orgueil. Au contraire, ses innombrables miracles étaient pour lui l'occasion de progresser dans l'humilité car il ne les attribuait jamais à sa propre vertu, mais demandait à ceux qui venaient vers lui d'aller vénérer les Reliques de Saint Syméon ou de s'oindre avec l'huile des veilleuses qui brûlaient près du tombeau du Saint.

Cette humilité admirable, il la montra jusque dans la mort. En effet, avoir prédit son prochain départ vers le ciel, Daniel tomba malade; et comme son admirateur l'empereur Anastase préparait de somptueuses funérailles, il lui fit promettre d'enterrer son corps profondément et de déposer au-dessus les Reliques des Saints Ananie, Azarie et Misaël (mémoire le 17 décembre), récemment transférées de Babylone à Constantinople, de sorte que si quelqu'un voulait vénérer sa tombe, il attribuât aux Saints Martyrs la satisfaction de ses demandes.

Quelques jours avant sa dormition, il assembla ses nombreux disciples, pour leur livrer son dernier enseignement et demander l'assistance de leurs prières. Puis, alors que le foule venue de la capitale grandissait sans cesse pour assister à ses derniers instants, il tomba en extase de nuit et contempla l'assemblée de tous les Saints qui, après l'avoir salué comme lun des leurs, l'engagèrent à célébrer avec eux la Divine Liturgie. Après être revenu à lui, il communia aux Saints Mystères et s'endormit en paix, le lendemain,
en délivrant un possédé d'un esprit impur, au moment même où il rendait son dernier soupir. Avec bien des difficultés, on réussit à descendre la dépouille du saint homme du haut de sa colonne où il se tenait recroquevillé depuis trente-trois ans et, après l'avoir présenté à la vénération du peuple, on l'ensevelit en présence de tous les plus grands personnages de la capitale. C'était le 11 décembre 493, et le Saint avait atteint l'âge de 84 ans.

1. Sur les hauteurs de la côte européenne du Bosphore.
2. Le coucoulion était le manteau à capuchon des anciens moines. Chez les moines orthodoxes contemporains, il est réduit à un voile qui recouvre le skouphos (couvre-chef) pendant les Offices Liturgiques et autres manifestations officielles de la communauté.


Le 12 decembre, mémoire de notre Saint Père Théophore SPYRIDON le THAUMATURGE, Evêque de TRIMYTHONTE

Notre Saint Père Spyridon vivait dans l'île de Chypre, à l'aurore du quatrième siècle, et exerçait paisiblement la simple profession de berger. De moeurs rustiques et peu cultivé, il n'avait pourtant pas son pareil quant à l'amour de son prochain, quant à la douceur, à la délicatesse, à l'aumône, à l'hospitalité et à la pratique de toutes les vertus. Tel le Patriarche Abraham, il accueillait avec empressement dans sa demeure tout homme qui s'y présentait, et il lui montrait la même sollicitude que si c'était le Christ Lui-même qui était venu lui rendre visite. Il n'y avait pas non plus de pauvre ou d'indigent qui ne trouvât chez lui quelque secours. Spyridon déposait son argent dans un coffre qu'il laissait toujours ouvert, à la disposition de tous, et jamais il ne se souciait s'il était plein ou vide, ou si ceux qui y avaient puisé étaient dignes ou indignes de ses bienfaits. Vivant de manière chaste et pieuse dans le mariage, il obtint de Dieu une fille, Irène; mais, au bout de peu d'années, son épouse décéda. Alors dégagé des soucis de la chair, Spyridon ne se préoccupa plus que de progresser dans la vertu et de s'enrichir des dons éternels de la Grâce.

Il acquit ainsi, sans le vouloir, une grande renommée dans l'île et, à la mort de l'Evêque de la petite ville de Trimythonte, près de Salamine, les fidèles le désignèrent unanimement pour prendre sa place et devenir ainsi le pasteur du troupeau spirituel du Christ. Malgré cette dignité, l'humble berger n'abandonna rien de son mode de vie: il portait les mêmes pauvres vêtements, se déplaçait toujours à pied, aidait aux travaux des champs et continuait, comme auparavant, à garder son troupeau. Une nuit, des maraudeurs pénétrèrent dans sa bergerie pour dérober des brebis; mais lorsqu'ils voulurent sortir avec leur butin, ils se sentirent comme liés et cloués sur place par une force invisible. Quand Spyridon les découvrit, au petit matin, pleins de honte, ils lui confessèrent leur forfait. Pris de compassion, le Saint les délivra de leurs liens invisibles et les exhorta à vivre désormais honnêtement. Mais il ne les laissa pas partir sans leur faire don de deux moutons, en leur disant avec le sourire que c'était en compensation de la peine de cette veillée nocturne.

Austère envers lui-même, Spyridon montrait toujours de la compassion pour ses frères et une grande condescendance à l'égard de leurs faiblesses. Pour soulager quelque voyageur, par exemple, il n'hésitait pas à rompre le jeûne. Comme le Christ, le Bon Pasteur, il était toujours prêt à donner sa vie pour ses brebis spirituelles afin de les mener paître dans les pâturages de la Grâce. Par sa douceur, son humilité et sa simplicité, il acquit une telle faveur auprès de Dieu qu'il accomplit d'innombrables miracles pour le salut et la consolation de son Eglise.

Lorsque l'île de Chypre fut affligée d'une terrible sécheresse, laissant présager les affres de la famine, Saint Spyridon ouvrit les cieux grâce à sa prière, et il obtint de Dieu une pluie bienfaisante qui allait rendre à la terre sa fécondité. Comme certains riches avaient engrangé de grandes quantités de grains pour profiter de la pénurie et les revendre à des prix démesurés, l'ardent Evêque fit s'effondrer leurs réserves par sa prière et distribua équitablement aux habitants les produits de la terre, délivrant ainsi l'île de la disette. Une autre fois, tel Mpïse dans le désert (cf. Nombres 21:8), il changea un serpent en or pour venir en aide à un pauvre homme. Puis, le secours opéré, il fit revenir la bête à son état normal, afin que la faveur divine ne devienne pas occasion d'avarice. Toujours prompt à courir au secours des infortunés et s'étant un jour mis en route pour aller délivrer un condamné à mort, il arrêta le cours d'un torrent tumultueux, qui lui barrait le passage, et traversa son lit à pied sec.

Vivant dans le Christ par les saintes vertus et le Christ agissant en lui par le Saint-Esprit, Spyridon acquit aussi le pouvoir sur la mort elle-même. A la prière d'une pauvre femme barbare, il ramena à la vie le cadavre de son enfant qu'elle avait déposé à ses pieds. Quand sa fille Irène vint à mourir elle aussi, sans avoir eu le temps de révéler à une personne qui lui avait confié sa fortune l'endroit où elle l'avait cachée, le Saint Evêque se pencha au-dessus du tombeau et interrogea la défunte qui répondit aussitôt en indiquant où se trouvait le trésor. Ayant obtenu un tel miracle de Dieu, Spyridon repoussa pourtant tout souci de consolation humaine pour luimême, et il ne demanda pas au Seigneur de ressusciter sa fille bien-aimée.

Sa vertu était si lumineuse qu'elle perçait comme l'éclair le secret des consciences et poussait les pécheurs à venir confesser leurs fautes et à commencer une vie de repentir. Comme cette femme qui, à l'exemple de la pécheresse de l'Evangile, se jeta aux pieds de l'homme de Dieu, qui avait posé sur elle son regard compatissant, et les baigna de ses larmes en confessant ses péchés. Spyridon se pencha alors pour la relever et lui dit: « Tes péchés te sont pardonnés» (Luc 7:48), comme si c'était le Sauveur Lui-même qui parlait par sa bouche. Puis il la renvoya en paix, en se réjouissant comme le bon pasteur qui a retrouvé la brebis égarée et qui convoque ses amis et voisins en disant: «Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvée ma brebis qui était perdue» (Luc 15:6).

Ignorant de la science humaine, mais riche des dons de clairvoyance et de prophétie, l'Evêque de Trimythonte avait également une connaissance profonde des Saintes Ecritures, grâce à laquelle il confondit un jour un Evêque vaniteux qui voulait faire preuve de son éloquence en changeant certains mots de l'Evangile, trop communs à son goût.

Lorsque le saint empereur Constantin le Grand convoqua le Premier Concile OEcuménique (325) pour réfuter l'hérésie impie d'Arius, Spyridon se rendit lui aussi à Nicée dans son simple appareil de pâtre, afin de témoigner de la Vérité aux côtés des Saints Evêques et Confesseurs et de toutes les plus illustres personnalités du temps. Pendant les débats, un philosophe arien, enflé de vain orgueil, lança un défi aux Orthodoxes pour se mesurer avec lui dans une discussion sur la Sainte Trinité. L'humble berger de Chypre s'avança alors et, à la stupeur générale, il confondit les raisonnments spécieux et la dialectique subtile de son adversaire par la simplicité et l'autorité de ses paroles inspirées par le Saint-Esprit. Désarmé, le philosophe se laissa convaincre, embrassa sincèrement la Foi Orthodoxe et exhorta les autres disciples d'Arius à abandonner à leur tour les sentiers trompeurs de la sagesse humaine pour trouver dans l'Eglise les sources d'Eau Vive et la puissance de l'Esprit.

Après la mort de Constantin, son fils Constance, qui avait hérité la partie orientale de l'empire, montra de la sympathie pour l'arianisme. De séjour à Antioche, il tomba gravement malade et, malgré les efforts des médecins, on désespérait de le voir survivre. A la suite d'une vision de l'empereur, Saint Spyridon fut convoqué au palais, en compagnie de son disciple Saint Triphyllios (mémoire le 12 juin). A peine parvenu au chevet du souverain, il le guérit de sa maladie corporelle, en l'engageant à garder la santé de son âme par la fidélité à l'enseignement orthodoxe et par la miséricorde envers ses sujets. Chargé d'or et de présents, il s'empressa de distribuer dès son retour toutes ces richesses aux habitants de Chypre.

Détaché des choses de la terre et tout absorbé par l'attente des biens éternels, Saint Spyridon célébrait la Sainte Liturgie et les Offices de l'Eglise comme s'il se trouvait déjà devant le trône de Dieu, en compagnie des Anges et des Saints. Un jour, alors qu'il célébrait dans une église isolée et négligée par les fidèles, et qu'il se retournait vers le peuple absent en disant: «Paix à tous! » son disciple entendit les voix d'une foule d'Anges répondre: «Et à ton esprit», puis continuer à accompagner le Service Divin de leurs célestes mélodies.

A l'issue d'une longue vie, menée avec l'assistance constante du Saint-Esprit, Saint Spyridon remit paisiblement son âme à Dieu, le 12 décembre 348, à l'âge de 78 ans, après avoir eu le temps d'encourager une dernière fois ses proches à suivre le Christ et à se soumettre à son joug doux et léger.

Son saint corps devint une source inépuisable de miracles et de guérisons pour les fidèles de Chypre, jusqu'au VIIe siècle, où, sous la menace de l'invasion arabe, on le transféra à Constantinople, dans une église située près de Sainte-Sophie. Après la prise de la ville par les Turcs, la précieuse Relique fut transportée clandestinement à Corfou (1456), où elle est gardée depuis, miraculeusement incorrompue. Elle y a accompli tant de miracles pour les particuliers comme pour l'ensemble de la population -délivrant l'île d'une épidémie de choléra et de l'invasion étrangère- que Saint Spyridon est vénéré comme le premier protecteur de Corfou.


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