L’orthodoxie apparaît souvent comme une réalité morcelée dans le paysage religieux, mais l’Esprit de la Pentecôte souffle en secret. Le 17 novembre a été fêté à Paris le 40 e anniversaire de la fondation du Comité interépiscopal orthodoxe en France, devenu depuis dix ans l’Assemblée des évêques orthodoxes de France (AEOF). En novembre1993, toutes les Églises autocéphales orthodoxes s’étaient en effet engagées, dans un accord signé à Chambésy (Suisse), à créer ces assemblées d’évêques dans les pays de diaspora (comme la France). Elles visaient à unifier davantage les diocèses organisés selon des critères essentiellement nationaux : les Grecs relevant de Constantinople, les Roumains du patriarcat de Roumanie, etc., avec l’exception notable de la diaspora russe, divisée historiquement en trois branches dont deux relèvent de Moscou et de Constantinople. De passage à Paris le 1 er février dernier, le patriarche Bartholomée a déclaré : « Nous voudrions saluer le travail “pilote” de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France […] qui devrait être le lieu de rassemblement, dans l’harmonie et le respect des traditions, de tous les orthodoxes de ce pays. » De même, lors de sa visite à Notre-Dame de Paris le 3 octobre, le patriarche de Moscou Alexis II a tenu à s’adresser aux évêques et fidèles : « Vous êtes appelés à allier de façon créative les différentes traditions et à renforcer l’unité orthodoxe en France. » Dans une longue lettre à l’AEOF, le président Sarkozy s’est récemment félicité du rôle joué par l’orthodoxie dans la société française : « Je sais ce que les orthodoxes de France ont apporté à l’orthodoxie dans son ensemble, et même à toute la théologie chrétienne contemporaine. […] Grâce à votre détermination et à votre persévérance, l’orthodoxie fait partie, comme les autres grandes religions, de l’identité française. » Comme l’a précisé le métropolite Emmanuel de France, ce message est « un signe de reconnaissance de l’intégration de l’Église orthodoxe en France au sein du tissu social de ce pays ». Pourtant, l’organisation actuelle reste transitoire : l’AEOF n’a pas encore le caractère canonique d’un synode épiscopal. L’afflux des ressortissants d’Europe de l’Est ne tarit pas, mais il se trouve en France une conscience orthodoxe locale progressivement affirmée depuis maintenant quatre générations. Il faut espérer aboutir prochainement à un vrai synode placé à la tête d’une Église orthodoxe semi-autonome en France. Gardant des liens étroits avec les différentes Église-mères, celle-ci serait une structure provisoire dans l’attente du retour à la pleine communion avec l’Église romaine, qui est ici l’Église locale de plein droit. L’Église catholique de France a tout intérêt à ce que sa petite sœur l’Église orthodoxe s’épanouisse en ce sens. Celle-ci pourra devenir davantage son partenaire privilégié dans le dialogue avec l’orthodoxie dans son ensemble et même avec l’islam. |