Rendu public hier, un document de la Congrégation pour la doctrine de la foi reprend, sous forme de cinq questions-réponses, les affirmations déjà contenues dans la déclaration « Dominus Iesus » ROME De notre envoyée spéciale permanente ’Église du Christ ne subsiste que dans l’Église catholique, L« gouvernée par le successeur de Pierre» , alors que les autres confessions chrétiennes sont « victimes de déficiences » . Par cette affirmation, dans un document rendu public hier, la Congrégation pour la doctrine de la foi veut répondre aux «erreurs et ambiguïtés» qui ont caractérisé «certains aspects de la doctrine sur l’Église » après Vatican II. En réalité, ce texte reprend une nouvelle fois les thèses déjà explicitées dans la déclaration Dominus Iesus , signée en septembre 2000 par le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de cette Congrégation, et énonçant que l’unique voie de salut se trouve dans l’Église catholique, et non dans d’autres formes d’Églises chrétiennes. En pleine année du Jubilé, Dominus Iesus avait profondément irrité les protestants: en les qualifiant de «communautés ecclésiales» et en leur refusant la qualité d’Églises, il semblait nier les progrès accomplis depuis Vatican II dans le dialogue œcuménique. Le texte d’hier ne fait que confirmer Dominus Iesus , cette fois sous forme de cinq « questions-réponses ». Il est accompagné d’un article paru hier soir dans L’Osservatore Romano , le journal du Saint-Siège. De quoi s’agit-il ? Encore une fois, d’un problème d’interprétation du Concile, plus précisément de la fameuse affirmation de Vatican II (constitution Lumen gentium , n. 8), selon laquelle «l’unique Église du Christ subsiste dans l’Église catholique » . À l’époque, cela avait constitué un progrès dans le dialogue œcuménique. En effet, on enseignait jusque-là que l’Église du Christ «est» l’Église catholique romaine, hors de laquelle il n’existe pas de réalité ecclésiale. L’œcuménisme n’était possible, dans cette logique, que par réintégration dans le giron catholique. Le Concile, en posant que l’Église comme société constituée et organisée en ce monde « subsiste dans » l’Église catholique, a signifié qu’en dehors des limites de la communauté catholique ce n’est pas le «vide ecclésial», et ouvert ainsi des perspectives au dialogue avec les autres confessions chrétiennes. Aux yeux de la Congrégation de la foi, et du pape, ce «subsiste en» a été ensuite mal interprété. On a voulu faire croire, explique le commentaire du document d’hier, que l’unique Église du Christ pouvait subsister aussi en de nombreuses Églises, et que l’Église catholique était une voie de salut parmi d’autres. C’est se rendre coupable de «relativisme ecclésiologique». Ce à quoi le document apporte sa réponse en cinq points. D’abord, il déclare que Vatican II n’a en rien changé la doctrine antérieure sur l’Église, mais s’est contenté de l’approfondir. C’est la conviction forte de Benoît XVI: il faut interpréter le Concile non comme en termes de rupture, mais de continuité par rapport à ce qui a précédé. Il énonce ensuite que l’Église catholique est « l’unique Église du Christ » . En effet, explique L’Osservatore Romano , il s’agit de «sauvegarder l’unité et l’unicité de l’Église qui ferait défaut si l’on admettait que puissent exister plusieurs substances de l’Église fondée par le Christ» . Le terme choisi – «subsiste» – l’aurait été «précisément pour mettre en lumière le fait qu’il existe une seule subsistance de l’Église catholique, alors qu’en dehors de son ensemble visible existent seulement des éléments ecclésiaux » . Troisième point, donc: il existe bien, en dehors de l’Église catholique, des éléments de sanctification dans les autres communautés chrétiennes. Mais ils opèrent par l’intermédiaire de l’Église catholique: leurs forces «dérivent de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Église catholique» . Le texte évoque alors les «déficiences des autres Églises et communautés ecclésiales» : un langage juridique qui risque de ne pas être compris comme tel. Quatrième point, l’appellation d’ « Église sœur » reconnue aux Églises orientales, notamment orthodoxes : ces Églises ont de « vrais sacrements» , «surtout en vertu de la succession apostolique» . Mais, comme le déclarait déjà Dominus Iesus , elles ne sont sœurs que des Églises catholiques particulières, et non de l’Église catholique en général, car elles ne reconnaissent pas « l’évêque de Rome et successeur de Pierre » . Enfin, la Congrégation pour la doctrine de la foi réitère le refus de qualifier d’Églises les communautés issues de la Réforme, malgré le chemin œcuménique parcouru depuis Vatican II – ce qui ne manquera pas de provoquer des réactions protestantes (lire encadré) . Ce document ne semble cependant pas destiné aux acteurs du dialogue œcuménique. Au Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens, on avoue même ne pas avoir été mis au courant de son existence, et le commentaire de L’Osservatore Romano rappelle que le dialogue œcuménique «demeure toujours une des priorités » de Rome. Sans doute, comme le confie un membre de la Curie, s’agit-il là d’un texte sur lequel le cardinal Ratzinger avait lui-même travaillé alors qu’il était encore en charge de la doctrine de la foi, pour répondre aux critiques soulevées par Dominus Iesus au sein même de l’Église catholique. Peutêtre aussi cette réaffirmation d’une seule Église du Christ en l’Église catholique veut-elle rassurer les milieux intégristes, qui craignent que l’œcuménisme ne fasse perdre son identité à l’Église. La sortie de ce document, quatre jours seulement après le motu proprio libéralisant le rite tridentin, ne serait alors pas totalement fortuite. ISABELLE DE GAULMYN SUR WWW.LA-CROIX.COM Retrouvez le document de la Congrégation pour la doctrine de la foi. LIRE LA SUITE page 14. C’est la conviction forte de Benoît XVI : il faut interpréter Vatican II non comme en termes de rupture, mais de continuité par rapport à ce qui a précédé. |